EN UKRAINE, CETTE MENACE INSIDIEUSE QUI POURRAIT FAIRE BASCULER LA GUERRE CONTRE LA RUSSIE

Si Kiev continue de lutter pour repousser les forces russes, une part de plus en plus importante de sa population serait prête à accepter la paix en échange de concessions territoriales. Ainsi la fin du conflit pourrait bien être précipitée non pas par les résultats du champ de bataille, mais par la lassitude grandissante de l'opinion ukrainienne.

Si les espoirs ukrainiens d'une victoire sur la Russie étaient grands quelques mois après le début de la guerre, la ligne de front est depuis quasiment statique. Une part importante de la population reste mobilisée en faveur de la libération éventuelle des territoires occupés depuis 2014, mais une enquête conduite par un institut de sociologie pointe un nouveau problème inquiétant pour Kiev. Selon cette dernière, la proportion des Ukrainiens prêts à une paix au prix d'annexion d'une partie de leur territoire a dépassé les 30 %.

Une guerre en pleine stagnation ronge le moral ukrainien

La guerre à grande échelle en Ukraine est entrée dans son 30e mois en juillet 2024, alors que les forces de Kiev sont sur la défensive depuis près d'un an. Si l'Ukraine a connu des succès en Mer Noire contre la flotte russe et parvient désormais à frapper des infrastructures loin dans le territoire russe, comme des raffineries, l'échec de la contre-offensive de 2023 a marqué la fin des tentatives de reprendre du territoire occupé aux forces de Moscou.

En réponse, les récentes enquêtes d'opinion menées par Kyiv International Institute of Sociology pointent vers une augmentation substantielle du nombre d'Ukrainiens prêts à une paix en échange d'annexion de régions ukrainiennes. Ainsi en mai 2022, 10 % seulement des Ukrainiens interrogés y étaient favorables, et 82 % opposés. En mai 2023, après des succès de Kiev durant la fin de l'année 2022 et avant l'échec de la contre-offensive de l'été 2023, ce bilan était monté à 84 %.

Mais depuis, la guerre d'attrition a érodé le moral national, et de plus en plus d'Ukrainiens interrogés sont favorables à une offre de ce type. Selon le KIIS, ils étaient 32 % en mai 2024, soit une augmentation de 22 points en un an. 55 % des Ukrainiens sont cependant toujours opposés à toute concession territoriale, souligne le KIIS. Si cette tendance se poursuit, entraînant une baisse de la mobilisation militaire, l'Ukraine pourrait devoir faire des concessions territoriales dans les prochains mois, même sans victoire décisive russe sur le champ de bataille.

La Russie toujours gagne des points dans l'opinion internationale

La tendance est également à la nuance dans l'opinion internationale.

Avec la possibilité d'une victoire de Donald Trump et la transformation de l'économie russe en faveur de l'effort de guerre, les perspectives d'une reconquête par Kiev des parties occupées des régions de Donetsk, Lougansk, Zaporijjia, Kherson et de la Crimée semblent s'amenuiser. Et Moscou mise justement sur une fatigue des Occidentaux, qui finiraient à terme par diminuer leur soutien à Kiev.

La perception de la Russie a certes été fortement dégradée auprès de nombreux pays après l'invasion de la guerre en Ukraine, particulièrement en Occident, mais une vaste étude du Pew Research Center, un think tank américain, pointe que les opinions favorables de la Russie regagnent peu à peu du terrain.

L'enquête a été menée auprès de 44 166 adultes entre janvier et mai dans 35 pays de tous les continents : l'étude a pu interroger des Français, nigérians, philippins, australiens, turcs ou encore des Suédois pour évaluer les opinions concernant l'OTAN, la Russie, et Vladimir Poutine comme Volodymyr Zelensky. Parmi tous ces pays, 65 % des personnes interrogées expriment une opinion défavorable de la Russie, contre 28 % une opinion favorable, avec des décalages perceptibles selon les régions.

En Europe, 97 % des Polonais interrogés expriment une opinion un peu ou très défavorable de la Russie, les Grecs étant le peuple interrogé avec le plus faible taux d'opinion défavorable, s'élevant à 70 %.

Mais les perceptions sont plus contrastées en Asie ou en Amérique du Sud : sur ce dernier continent, 65 % des Brésiliens contactés ont une opinion défavorable de la Russie, contre 36 % seulement au Pérou. Ainsi dans nombre de pays sondés, la Russie bénéficie d'opinions positives plus nombreuses qu'en 2023, comme en Argentine où l'opinion favorable est passée de 17 à 28 % en un an.

La même étude pointe que, sur l'ensemble des pays interrogés, 46 % des personnes interrogées n'ont peu ou pas confiance en Volodymyr Zelensky pour agir correctement sur la scène internationale, contre 40 % de personnes confiantes. Cette érosion touche des soutiens de premier plan : la confiance en Zelensky est passée de 70 à 48 % entre 2023 et 2024 en Pologne.

Si ces chiffres importent, c'est qu'il est vital pour l'Ukraine de garder les faveurs de l'opinion publique occidentale, dont la mobilisation détermine l'envoi d'aide militaire, comme celles de sa population, régulièrement appelée à s'enrôler dans l'armée. Une chute de ces soutiens serait pour l'Ukraine aussi dramatique qu'une défaite sur le plan militaire.

2024-07-26T04:42:58Z dg43tfdfdgfd