REPORTAGE. À MAYOTTE, LA DISTRIBUTION DE BOUTEILLES D’EAU à TOUTE LA POPULATION A COMMENCé

Les 310 000 habitants de Mayotte peuvent récupérer, gratuitement, un litre d’eau par personne à partir de ce lundi 20 novembre. Sur place, agents municipaux et militaires sont mobilisés.

Après une heure et demie d’attente, Saïd Ali récupère enfin les six packs d’eau qu’elle est venue chercher avec sa mère, pour leur famille. « C’est un soulagement. On buvait l’eau du robinet, mais on s’inquiétait pour notre santé », confie la jeune femme.

Ce lundi, à Chiconi, la distribution de bouteilles à toute la population a démarré à 7 h 30. C’est ce qu’avait promis le ministre des Outre-mer, Philippe Vigier, le 2 novembre, lors de sa visite à Mayotte. « 330 000 litres distribués chaque jour à tous les habitants. » Soit un litre par personne. Jusque-là, seules les 60 000 personnes les plus vulnérables – âgées, en situation de handicap ou les femmes enceintes – bénéficiaient de deux litres par jour.

L’île fait face à une pénurie d’eau sans précédent due à une sécheresse exceptionnelle, mais aussi à un manque d’investissements et d’infrastructures. Les deux retenues collinaires du territoire – qui assurent 80 % de l’approvisionnement avec les rivières – seront totalement vides dans les jours qui viennent.

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« Au cas où il n’y ait plus du tout d’eau »

À Chiconi, ils sont une trentaine à patienter, place Sicotram, face à la baie couleur turquoise. « J’ai installé un filtre pour continuer à boire de l’eau du robinet. Mais je viens en prévention, au cas où il n’y en ait plus du tout », s’inquiète Pauline *, qui vit à proximité. Amina, un peu plus haut dans la file d’attente, a, elle, totalement arrêté l’eau du robinet. « On a eu des diarrhées, des vomissements… », raconte cette mère de trois enfants, à la recherche d’un emploi. Lorsque le réseau n’est plus sous pression, « des bactéries peuvent s’infiltrer dans les canalisations », concède Olivier Brahic, directeur général de l’ARS, qui préconise de faire bouillir l’eau. Amina préfère désormais acheter des packs. Mais, « à près de 8 € les six bouteilles », cela commence à peser lourd dans son budget. « Je dépense environ 50 € par semaine rien que pour ça », assure-t-elle. Alors, cette aide, « on ne peut pas la rater. »

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Face à elle, quatre agents du centre communal d’action sociale (CCAS) récupèrent les justificatifs de domicile et les pièces d’identité des membres de chaque foyer. Un ticket, indiquant le nombre de packs attribués, est ensuite délivré. Puis quatre jeunes, en formation au sein du régiment du service militaire adapté (RSMA), prennent le relais. À la chaîne, ils déchargent les deux containers remplis de 2 500 packs, soit 15 000 bouteilles, qu’ils déposent sur la place. Des effectifs, qui pourront être augmentés si les files d’attente deviennent ingérables. « Nous mobilisons des agents de la mairie, du CCAS, de la sécurité civile et du RSMA. Cela peut aller jusqu’à 30 personnes. Si ça ne suffit pas, nous pouvons faire venir une équipe de réservistes en renfort », détaille Djamael Djalalaine, directeur de cabinet du maire de Chiconi, qui espère également pouvoir compter sur quelques bénévoles.

« Que personne ne soit laissé de côté »

À Chiconi, pour fluidifier au maximum les arrivées, la mairie a par ailleurs demandé aux 13 500 habitants de se déplacer par zone de résidence. Les distributions sont prévues tous les jours de la semaine, jusqu’au samedi, « pour permettre à ceux qui travaillent de venir. » « On accepte tout le monde, l’objectif est que personne ne soit laissé de côté », assure Djamael Djalalaine, qui précise que les services de la mairie distribueront également des bouteilles à domicile aux personnes « en grande vulnérabilité, isolées et qui ne peuvent pas se déplacer. »

Et pour éviter une pollution massive de plastique, sur un territoire ne triant que 2 % de ses déchets, les habitants sont priés de ramener leurs contenants vides afin de récupérer de nouvelles bouteilles. « Un autre container, vide, permettra de les stocker, indique le directeur de cabinet du maire. Puis elles seront envoyées en métropole pour y être recyclées. »

(*) Le prénom a été modifié

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