COMMENT L’HOSPITALISATION PRIVéE PRéPARE SA GRèVE DU 3 JUIN

À partir du lundi 3 juin, et aussi les 4 et 5 juin, de nombreux établissements de soins du secteur privé seront « en arrêt total d'activité ». « Il n'y aura pas d'infirmiers dans les blocs, nos services d'urgence seront fermés, et le mouvement durera le temps qu'il faudra, jusqu'à ce que le gouvernement se rende compte que nous sommes essentiels », a tonné ce jeudi Lamine Gharbi, président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), à l'occasion d'une conférence de presse rassemblant différents syndicats du secteur privé.

Les arbitrages de la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, et du ministre délégué à la Santé, Frédéric Valletoux, concernant les revalorisations des tarifs, irritent le secteur privé.

À LIRE AUSSI « 60 % des cliniques risquent de fermer » : pourquoi les hôpitaux privés appellent-ils à la « grève totale » ? Les patients doivent s'attendre à un mouvement dur. « Les cas urgents qui se présenteront dans nos établissements privés seront redirigés vers les urgences des hôpitaux publics. Nous assurerons la continuité des soins pour les patients déjà hospitalisés. Mais nous ne prendrons plus en charge d'autres patients à partir du 3 juin. Nous sommes habitués à travailler dur, et cesser l'activité n'est pas une décision que l'on prend de gaieté de c?ur, mais nous sommes obligés d'envoyer un signal fort au gouvernement, car nous sommes au pied du mur », précise Philippe Cuq, chirurgien, coprésident du syndicat de médecins spécialistes Avenir Spé-Le Bloc.

Des opérations déprogrammées après le 15 mai

Les conséquences de ce mouvement de colère vont se faire sentir en amont. Des opérations vont devoir être annulées, et pas seulement à partir du 3 juin. « Certaines opérations, prévues après le 15 mai, et surtout à partir du 24 mai vont être déprogrammées. Car nous n'aurons pas le personnel médical et infirmier pour en assurer les soins de suite. Nous allons en informer les patients », ajoute Philippe Cuq. Cela risque donc d'être une belle pagaille dans les établissements privés au cours de cette période? et aussi, donc, dans les hôpitaux publics qui recevront plus de monde.

Certains syndicats de médecins participent au mouvement. C'est le cas du SML, présidé par le docteur Jérôme Marty. « Les médecins libéraux ne peuvent pas travailler sans les cliniques. Ce gouvernement est infichu de régler nos problèmes », proteste ainsi Jérôme Marty. La Confédération syndicale de la médecine de France (CSMF), présidée par le docteur Franck Devulder, appelle aussi « à participer à ce mouvement ».

« Frédéric Valletoux se moque de nous »Lamine Gharbi, président de la FHP

Comment en sortir ? La clé du problème vient de l'arbitrage rendu sur la renégociation des « tarifs », décidé par le gouvernement, qui a accordé une revalorisation pour 2024 de seulement 0,4 % pour les établissements privés, contre une hausse de 4,3 % pour l'hôpital public. « Un écart de revalorisation des tarifs, qui varie d'un à quinze, entre le privé et le public, c'est du jamais-vu ! Avec ces tarifs, nous ne pourrons pas augmenter les salaires de nos infirmières et de nos médecins, alors qu'ils font le même travail que dans le public, et nous ne pourrons plus investir dans des plateaux techniques », ajoute Lamine Gharbi.

À LIRE AUSSI Psychanalyse : pourquoi tant de haine ? Les compétences des infirmiers vont être élargies, selon le ministre délégué à la Santé. Lamine Gharbi se dit « choqué » par les mesures annoncées par le ministre. « Frédéric Valletoux se moque de nous en disant : allez, les cliniques, au boulot, alors que nous travaillons souvent plus que les hôpitaux, que je respecte par ailleurs. »

La FHP demande 500 millions d'euros supplémentaires

La négociation est une querelle de gros sous. La FHP demande au gouvernement « 500 millions supplémentaires pour les établissements privés », rappelle Lamine Gharbi qui estime : « Cela pourrait se faire sans créer de dépenses supplémentaires pour l'Assurance maladie, mais en réorientant en notre faveur certains crédits, qui sont pour l'instant inscrits dans son budget, mais pour l'instant non attribués. »

Frédéric Valletoux a défendu ses arbitrages en indiquant qu'il a choisi de revaloriser davantage l'hôpital, car celui-ci est beaucoup mis à contribution pour des actes lourds (réanimation, soins intensifs), et que le privé « a connu une forte dynamique au cours de ces dernières années ».

À LIRE AUSSI Covid-19 : quatre ans après la pandémie, l'activité reprend à l'hôpital, mais la « dette de santé publique » s'aggraveUne porte de sortie peut-elle être trouvée au cours des prochaines semaines ? « Pour l'instant, nous n'avons pas de rendez-vous, ni de promesse faite de la part du gouvernement », indique Lamine Gharbi. Mais l'approche des élections européennes, qui se tiennent le 8 juin, pourrait inverser la donne.

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