SUR MARS, UNE DéCOUVERTE SULFUREUSE ET UN ROCHER «INTRIGANT» QUI POURRAIT AVOIR CôTOYé DES MICROBES ANCIENS

Les jolies découvertes s’enchaînent sur la planète rouge, où roulent actuellement deux astromobiles de la Nasa. L’aîné, Curiosity, a trouvé par hasard un magnifique gisement de soufre, tandis que son petit frère, Perseverance, a repéré un rocher qui pourrait avoir hébergé des microbes il y a des milliards d’années.

Du soufre à l’état pur

Arrivé sur Mars à l’été 2012, Curiosity a déjà parcouru 32 kilomètres avec ses roues de plus en plus abîmées par le terrain, gravissant lentement la base du mont Sharp (5 500 mètres d’altitude). La composition chimique du sol évolue au fil de son parcours. «Depuis le mois d’octobre, le rover explore une région de Mars riche en sulfates, une sorte de sel qui contient du soufre et se forme quand l’eau s’évapore», explique le Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la Nasa – son centre dédié aux missions spatiales robotiques – dans un billet de blog. Mais les planétologues qui suivent son parcours au jour le jour ne s’attendaient pas à ce qu’il tombe sur une réserve de soufre à l’état pur.

Le 30 mai, Curiosity a roulé sur un rocher qui s’est effondré sous son poids. Le rover a pris en photo les débris de ce caillou manifestement creux et fragile… Et l’image a révélé un amoncellement de cristaux jaune vif.

«Trouver des cristaux de soufre pur, c’est comme trouver une oasis dans le désert», se réjouit Ashwin Vasavada, scientifique de l’équipe Curiosity au JPL. «Théoriquement, ça ne devrait pas se trouver là, donc maintenant il faut qu’on explique sa présence. C’est ce genre de découvertes inattendues qui rend l’exploration planétaire si passionnante.» Le billet de blog précise que le soufre pur ne peut se former que dans certaines conditions, assez restrictives, et qu’on n’imaginait pas du tout jusqu’ici ces conditions possibles dans cette région du mont Sharp. Outre la belle photo, il y a donc toute un chapitre d’histoire géologique à écrire.

L’équipe de chercheurs qui analyse les données de Curiosity s’intéresse beaucoup, de manière globale, aux monticules de débris rocheux qui entourent le rover. Quel genre d’éboulement a parsemé le paysage de rochers, et par quoi était-il causé ? Les dernières conclusions esquissent deux scénarios : certaines roches érodées et arrondies ont été déversées ici par de violents cours d’eau, il y a 4 milliards d’années, tandis que d’autres, plus anguleuses, seraient le résultat d’avalanches.

Des taches de panthère, nids à microbes ?

A 3 700 kilomètres de là, Perseverance poursuit depuis début 2021 le même travail de géologue martien que Curiosity, dont il est quasiment un jumeau. Gros comme une voiture, lourd d’une tonne, l’astromobile américain progresse dans la vallée Neretva, lit d’un ancien fleuve qui se déversait dans le cratère Jezero il y a des milliards d’années. Ce delta est plein de promesses : si l’ancien lac qui remplissait le cratère, profond de 250 mètres, a abrité quelques bactéries aquatiques, on pourrait peut-être retrouver la trace de ces micro-organismes dans les sédiments.

Et, dans cette optique, Perseverance vient de tomber sur un petit trésor : un rocher avec des «taches de panthère», au contour vaguement circulaire et plus claires au milieu, qui ont très bien pu se former par un processus biologique. «Ces taches sont une grande surprise», témoigne sur le site de la Nasa l’astrobiologiste David Flannery, qui travaille sur la mission depuis l’université de technologie du Queensland, en Australie. Car, «sur Terre, ce type de marques sur les rochers sont souvent associées à la présence de fossiles de microbes qui vivaient sous la surface».

Les taches sont créées par une réaction chimique qui implique de l’hématite, l’oxyde de fer qui donne sa couleur rouge au rocher. La réaction dégage du fer et du phosphate, ce qui crée les halos noirs sur la pierre. Et elle peut être utilisée comme source d’énergie par des microbes qui se trouveraient dans la roche. Mais d’autres scénarios sont possibles aussi, sans microbes.

Un autre aspect étonnant du rocher est qu’il contient des cristaux d’olivine d’environ un millimètre de large. Un minéral qu’on trouve habituellement dans le magma refroidi… On peut alors imaginer que l’olivine s’est formée plus haut dans la vallée, à des températures extrêmement hautes, et que ce processus totalement indépendant de tout organisme vivant a créé les taches de panthère.

Des molécules organiques et de l’eau

Le fameux rocher mesure 1 mètre sur 60 centimètres, et a été baptisé «Cheyava Falls» d’après une cascade du Grand Canyon aux Etats-Unis. «C’est le rocher le plus intrigant, le plus complexe, et potentiellement le plus important de tous ceux étudiés par Perseverance jusqu’ici», résume Ken Farley, chercheur de la mission à l’université Caltech en Californie. «D’un côté, c’est notre première détection irréfutable de matériau organique, nous avons des taches colorées qui indiquent des réactions chimiques ayant pu servir de source d’énergie à une vie microbienne, et nous avons la preuve que de l’eau – nécessaire à la vie – est un jour passée à travers le rocher. De l’autre côté, nous sommes incapables de déterminer exactement comment le rocher s’est formé.»

Et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Plusieurs instruments scientifiques de Perseverance ont été mis à contribution pour y mener l’enquête. «Sherloc», un spectromètre installé au bout de son bras articulé, a scanné la composition chimique du rocher et conclu qu’il contient des molécules organiques, c’est-à-dire basées sur du carbone. Ce sont les briques élémentaires des organismes vivants… Leur présence est indispensable au développement de la vie, mais l’inverse n’est pas vrai : une molécule organique n’est pas forcément impliquée dans un processus biologique.

Le retour de l’échantillon incertain

«Nous avons flashé ce rocher avec des lasers et des rayons X, et nous l’avons photographié littéralement nuit et jour sous tous les angles imaginables. Perseverance n’a plus rien à nous offrir», prévient Ken Farley. Le rover a même prélevé un échantillon de Cheyava Falls le 21 juillet, et l’a placé dans un tube soigneusement fermé qu’il transporte avec lui, aux côtés des 21 autres échantillons collectés jusqu’ici. Pour Farley, la prochaine étape est claire : «Pour comprendre ce qui s’est passé dans cette vallée martienne il y a des milliards d’années, nous devrions rapporter l’échantillon sur Terre, pour l’étudier avec les instruments de pointe dont on dispose dans les laboratoires.»

Ce n’est malheureusement pas gagné. Aux dernières nouvelles, la mission de retour d’échantillons telle qu’imaginée par la Nasa et l’ESA a été jugée trop chère, et écartée. Un appel à propositions a été ouvert et la Nasa cherche actuellement une solution plus abordable pour récupérer au moins une partie des tubes. Le rocher Cheyava Falls va garder ses secrets pour lui encore quelques années.

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