ATTAQUE DE DRONES SUR MOSCOU: «UNE MONTéE EN TENSION INQUIéTANTE»

Ce mardi 30 mai, au moins huit drones ukrainiens auraient été abattus dans la région de Moscou, selon les autorités russes, alors que certaines sources font état d’un nombre plus important d’engins. Tous auraient été abattus soit à l’aide d’équipement électronique, soit par des systèmes de défense avec des missiles sol-air. Une attaque qui, selon le maire de Moscou, a provoqué quelques dégâts matériels et fait deux blessés. Ce n’est pas la première fois qu’une telle attaque est menée. Au début du mois de mai par exemple, l’Ukraine aurait mené une attaque ciblant le Kremlin, selon les services de renseignements américains. Décryptage avec Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense nationale.

RFI : Selon vous, qui est à l'origine de ces attaques ? 

Il faut rester très prudent. Pourquoi ? Parce que les images des impacts des drones montrent que ce sont de petits drones. Ce ne sont pas des drones supersoniques par exemple, ou des drones, avec une très grosse charge. Donc, si ce sont des petits drones, ça veut dire que, à priori, ils ont dû décoller du territoire russe parce que Moscou est quand même à plusieurs centaines de kilomètres du territoire ukrainien. Je vois mal comment des petits drones auraient pu franchir une telle distance. Il faut une autonomie très grande. Concernant l'attribution aux Ukrainiens : je reste prudent. Ce n'est bien sûr pas impossible. Mais en tout état de cause, et on le voit bien, les destructions imposées sont extrêmement légères, notamment si l'on compare aux frappes qui ont eu lieu par exemple lundi 29 mai et cette nuit sur Kiev.

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Si ce sont bien les Ukrainiens qui sont à l'origine de l'attaque de ce mardi matin, que recherchent-ils ? Semer le désordre, occuper la Russie avant une prochaine contre-offensive ? Quel est le but recherché ? 

Je pense que c'est un petit peu tout. Mélangé avec, et c'est un facteur qui est extrêmement important et qu'il va falloir suivre de près, l'exaspération de l'opinion publique ukrainienne par rapport aux attaques de drones sur le territoire ukrainien. Jusqu'à présent, ce sont les Russes qui ont bombardé de manière systématique le territoire ukrainien, faisant de nombreuses victimes, sans pour autant d'ailleurs obtenir un effet militaire conséquent. Même les frappes sur Kiev : les dernières images sont terribles, mais on voit bien que cela n'entame pas le moral des Ukrainiens. Donc, il y a peut-être aussi, en plus de la volonté de désorganiser la défense, de semer le désordre ou de perturber les Russes, un début d'exaspération. Les Ukrainiens se disent, en quelque sorte, « notre population se fait tirer dessus par les Russes, après tout, il n'y a aucune raison pour qu'on ne fasse pas la même chose sur le peuple russe » et en particulier à Moscou, parce que c'est bien Moscou qui est visé. Moscou, c'est le lieu du pouvoir. En tout état de cause, ça traduit une montée en tension qui peut être inquiétante alors même qu’on voit bien tout le monde attend cette contre-offensive ukrainienne annoncée depuis plusieurs mois.  

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Les autorités américaines rappellent régulièrement qu’elles ne souhaitent pas d’attaques ukrainiennes sur le sol russe. Est-ce que ce type d'attaque peut remettre en question le soutien américain en faveur des Ukrainiens ? 

Encore faut-il avoir la certitude que ces frappes ont été faites sous couvert du commandement militaire ukrainien. Ça, c'est encore à voir. Et en tout état de cause, je pense que le soutien américain et européen se poursuivra, même s'il peut y avoir des messages envoyés discrètement à Kiev en disant : « ne frappez pas le territoire russe ». Mais une chose est sûre, ce degré d'exaspération de l'opinion publique ukrainienne ne peut que croître alors qu'on entre dans le seizième mois de guerre. À un moment donné, il sera extrêmement difficile de retenir cette opinion publique qui n'en peut plus de ces plus de quinze mois d'agression de la part de la Russie. Quinze mois qui ne servent, en plus, pas à grand-chose sur le plan militaire. 

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