RéFORME DES RETRAITES. QUE DIT CET ARTICLE 40 BRANDI, AUJOURD’HUI, PAR LE GOUVERNEMENT ?

Les députés Liot, soutenus par la Nupes, le RN et une partie de LR, ont déposé une proposition de loi visant à abroger le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. L’exécutif ne veut pas en entendre parler et tente de torpiller cette initiative. Comment ? En brandissant la Constitution. Explications.

L’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale a, au moins, un mérite : apprendre aux Français – ou les faire réviser – les nombreux articles de la Constitution de la Ve République. Après le 44-3 (vote bloqué), le 47-1 (débats limités à cinquante jours) ou encore le 49-3 (adoption d’un texte sans vote), utilisés au Parlement durant l’examen de la réforme des retraites, place désormais au 40.

C’est celui brandi par le gouvernement et sa majorité relative pour tenter d’empêcher le débat, en séance plénière au Palais Bourbon le jeudi 8 juin, sur la proposition de loi Liot, visant à abroger le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Soutenu par la Nupes, le RN et une partie de la droite LR, ce texte a des chances d’être adopté en première lecture. Ce qui met l’exécutif sous tension.

« Elle est inconstitutionnelle »

Que dit cet article 40 ? D’une écriture simple, il interdit à un parlementaire ou à une formation de soumettre au vote une initiative qui aggraverait les finances publiques sans les compenser financièrement. Dans le cas présent, l’abrogation de la réforme de retraites créerait entre quinze et dix-huit milliards de charges supplémentaires… uniquement gagées par des taxes sur les tabacs.

Inconstitutionnel, dénoncent donc Emmanuel Macron, Élisabeth Borne ou encore Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée nationale. « Cet article 40 est clair, a-t-elle martelé, ce mardi matin, sur France 2. La proposition de loi Liot doit donc être déclarée inconstitutionnelle. Il ne peut y avoir de discussion dans l’hémicycle le jeudi 8 juin sur un texte inconstitutionnel. »

« Le gage tabac est suffisamment consistant »

Pressé de donner son avis sur la constitutionnalité ou non de cette proposition de loi Liot au regard de l’article 40, le président de la commission des finances, l’Insoumis Éric Coquerel, se dit favorable à l’examen du texte en séance plénière dans neuf jours. « Ceux qui brandissent l’article 40 pour empêcher le débat mettent en quarantaine la démocratie parlementaire », dénonce le député de la Seine-Saint-Denis dans une tribune publiée dans le journal Le Monde, puis dans un communiqué rendu public ce mardi matin.

Selon lui, le « gage tabac » est « suffisamment consistant. Cette initiative est donc recevable. » Grosse colère immédiate des trois groupes composant la majorité (Renaissance, MoDem et Horizons). Ensemble, ils dénoncent « une atteinte grave à nos institutions. L’irrecevabilité de la proposition Liot ne fait pourtant aucun doute. Elle conduit indéniablement à une charge annuelle pour les finances publiques de 7,9 milliards d’euros d’ici 2027 et de 15 milliards d’euros en 2030. La solution absurde de financement serait donc de demander aux Français de fumer deux fois plus chaque année et pendant les vingt prochaines années ! »

La tribune dans Le Monde d’Éric Coquerel agace fortement Yaël Braun-Pivet. Elle aurait préféré que le président de la commission des Finances lui donne son sentiment sur l’article 40 par écrit, plutôt que de faire cette sortie médiatique. « Je n’ai qu’une seule boussole, ajoute la présidente de l’Assemblée nationale, la Constitution. Il ne doit pas y avoir de discussions sur ce texte Liot. Je vais prendre mes responsabilités. » Quand ? Bientôt, sans plus de détails.

« Une jurisprudence qui bâillonnerait le Parlement »

Les pressions sont donc fortes sur le groupe Liot. Son président, Bertrand Pancher, vient d’ailleurs d’écrire à Emmanuel Macron, pour se plaindre de toutes ces agitations autour de la proposition de loi d’abrogation de la réforme des retraites. « En portant ce texte, notre objectif est de présenter au pays une voie d’apaisement et de sortie de crise. »

Le député de la Meuse dit « entendre les arguments de représentants de la majorité relative ou de membres du gouvernement, appelant à tout faire pour ne pas aller au vote. Nous pensons que de telles manœuvres (article 40, article 44-3…) seraient – à juste titre – vues comme un nouveau déni de démocratie, de nature à alimenter les extrêmes. Nous rappelons que nos concitoyens demeurent très largement opposés à cette réforme des retraites et que deux Français sur trois sont favorables à notre initiative. »

Bertrand Pancher souligne, en outre, que « dans la pratique », jamais une proposition de loi n’a été jugée irrecevable au titre de l’article 40. « Cela reviendrait à empêcher tous les groupes politiques de proposer une loi avec la moindre dépense. Voulez-vous créer cette jurisprudence qui bâillonnerait le Parlement ? » Le chef de l’État n’a pas encore répondu.

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