Le lycée Dupuy de Lôme, à Lorient, a organisé la semaine passée une visite de l'association SOS Méditerranée, agréée par l'Éducation nationale, auprès de classes de première qui suivent la spécialité histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques. «Ça devait entrer dans le thème des “frontières”, qui est au programme», explique au Figaro Fabien*, élève proche de la Cocarde Lycée, une association de droite implantée à Lorient, qui a assisté à l'intervention. «Mais la question n'a jamais été abordée sous cet angle alors que ça remplaçait officiellement le cours», assure-t-il.
L'histoire prend une dimension supplémentaire lorsque la Cocarde Lycée publie un tweet à ce sujet. «Une heure de cours de géopolitique remplacée par une intervention obligatoire de SOS Méditerranée pour faire de la propagande pro-immigration», fustige-t-elle. L'opposition entre le lycée et la Cocarde devient alors politique. Elle semble même dépasser le cadre de la seule intervention de SOS Méditerranée.
Ce qui interpelle d'abord les élèves, ce n'est pas l'intervention de l'association en elle-même, mais les précautions prises par les professeurs en amont. «On nous a prévenus quelques jours avant l'intervention, à la fin d'un cours, rapidement, en nous précisant qu'il ne faudrait pas poser de questions compromettantes ou qui remettent en cause ce qui allait être dit», raconte Fabien au Figaro. Les élèves, pressés de quitter la classe, ne réagissent pas tout de suite et s'engouffrent dans les couloirs.
Quelques jours plus tard, ils sont finalement réunis dans l'amphithéâtre avec trois intervenants de SOS Méditerranée. Deux vidéos leur sont montrées : une première qui présente l'association et une deuxième de France 24, qui raconte leurs interventions. «L'une des missions de notre association c'est le témoignage donc c'est assez habituel, explique au Figaro Sophie Beau, directrice générale de SOS Méditerranée. On est intervenu auprès de 507 classes en 2022».
Julien, un autre élève, est toutefois mal à l'aise : «Je l'ai ressenti comme de la propagande, il faut dire les choses comme elles sont». Le lycéen a jugé la présentation trop partiale. Selon lui, elle simplifiait des questions politiques : «Je trouve que ça n'a pas vraiment sa place au lycée, car ça n'a pas de rapport avec le cours et que ça prend la place d'une heure de géopolitique». L'association s'en défend : «On ne fait pas de politique, on reste sur des questions de droits maritimes et sur nos expériences de sauvetage, les règles sont claires».
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La Cocarde Lycée ajoutait par ailleurs dans son tweet que l'ensemble était présenté «en écriture inclusive» - ce qui était bien le cas. «Ce n'est tout simplement pas permis», nous glisse un membre de la Cocarde. Une circulaire de 2021 de l'Éducation nationale interdit en effet cette graphie dans le «cadre de l'enseignement».
Après les deux vidéos, les élèves ont eu la possibilité de poser des questions aux intervenants. «Ils étaient trois, et l'un d'entre eux était plus agressif. Il exprimait vraiment son avis politique», affirme Fabien. Les questions abordent divers sujets : comment ça se passe à bord ? Quelle démarche faut-il suivre pour entrer dans l'association ?
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L'affaire commence véritablement sur les réseaux sociaux, une fois les portes du lycée fermées. «La séance s'est très bien déroulée, nous assure Sophie Beau. Le reste s'est passé sur internet avec un commentaire politique qui vient d'une organisation politisée». Le tweet de la Cocarde Lycée a atteint près de 100.000 vues en quelques jours.
Certains internautes accusent alors la Cocarde «de s'être infiltrée dans l'établissement pour assister à l'intervention, mais c'est évidemment faux», raconte Vincent Petit, responsable de l'association à Lorient qui centralise les informations. De l'autre côté, «des élèves du lycée en ont profité et se sont plaints sur Twitter en disant que cette intervention n'y avait pas sa place, raconte Julie*, une autre élève de l'établissement, qui connaît la Cocarde. Mais ils ne voulaient simplement pas le dire en public».
Face à l'ampleur du phénomène, la direction de l'établissement a décidé de porter plainte pour «répondre aux accusations diffamatoires véhiculées par un collectif sur les réseaux sociaux, suite à une séance pédagogique d'éducation civique, en lien avec une association agréée par l'Éducation nationale ». Le mail, consulté par Le Figaro, précise par ailleurs qu'il est interdit de publier des images prises au sein d'un établissement scolaire sans autorisation.
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La Cocarde Lycée conteste : les photos ont été rognées pour que l'on ne reconnaisse personne. L'association, présentée comme un «mouvement des lycéens de droite», est assez présente en Bretagne. «On est implanté dans tous les lycées lorientais, et un bon quart du groupe ne le dit pas dans son lycée car les professeurs eux-mêmes sont parfois très réticents, explique Vincent Petit. Au lycée Dupuy, par exemple, aucun des membres de l'asso ne l'a dit, ils ne sont pas vraiment les bienvenus». Pour eux, il existe une certaine hostilité vis-à-vis du collectif lui-même. «Certains professeurs d'autres lycées de Lorient dénoncent même un objectif d'intimidation de la part de la direction de Dupuy de Lôme», nous souffle un membre de la Cocarde.
Le mail de l'établissement précise que «si le dialogue et le débat ont toute leur place au sein de notre établissement, la fermeté sera de mise lorsque nos principes et valeurs seront remis en cause». Fabien s'agace : «Comment peuvent-ils parler de dialogue alors qu'on nous a expressément demandé de ne pas poser de questions perturbantes. Mais on a préféré ne rien dire directement car, à partir de maintenant, ça va être une véritable chasse aux sorcières».
«Ce qui est sûr, c'est qu'au lieu d'apprendre, on a des débats sur des sujets politiques et polémiques, et c'est précisément pour ça que l'on ne doit pas avoir ça au lycée, on est trop jeunes», grince finalement Julia*, une autre élève de l'établissement. Contactés par Le Figaro, le lycée Dupuy de Lôme et l'académie de Rennes n'ont pas répondu à nos sollicitations.
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