MORT DE COLONNA : LE RAPPORT PARLEMENTAIRE POINTE « ERREURS » ET « DéFAILLANCES »

YVAN COLONNA - Une succession de « défaillances », d’« inactions » et d’« erreurs » de la part des autorités. Voici les conclusions du rapport de la commission parlementaire chargée d’enquêter sur l’agression mortelle dont a été victime le militant indépendantiste corse Yvan Colonna à la prison d’Arles en 2022.

Ce rapport publié ce mardi 30 mai clôture six mois de travaux et émet 29 recommandations, réparties en trois axes : la « réforme impérieuse » du statut de « détenu particulièrement signalé » (DPS), le « renforcement de la détection et de la surveillance des détenus radicalisés dangereux », et l’amélioration de la prise en charge de « ceux présentant des troubles psychiatriques »

Le rapporteur Laurent Marcangeli (député de la Corse-du-Sud, Horizons) et le président de la commission Jean-Félix Acquaviva (député Liot de la Haute-Corse) tiendront une conférence de presse à l’Assemblée nationale à 17 h 00.

La dangerosité de Franck Elong Abé sous-évaluée

Yvan Colonna, qui purgeait une peine de réclusion à perpétuité pour l’assassinat du préfet Claude Erignac en 1998, avait été violemment agressé le 2 mars 2022 dans la salle de sport de la prison d’Arles par Franck Elong Abé, un homme radicalisé de 36 ans condamné notamment dans un dossier terroriste.

Franck Elong Abe est mis en examen pour assassinat en relation avec une entreprise terroriste. L’enquête judiciaire suit son cours.

Le rapport met en parallèle la « sévérité » du traitement carcéral imposé à Yvan Colonna - le refus de lever son statut de DPS malgré un « bon comportement », empêchant ainsi son transfert vers une prison corse - et les « mansuétudes » dont a au contraire bénéficié Franck Elong Abé, également DPS.

Franck Elong Abé, aussi classé TIS (pour « terroriste islamiste ») et notoirement radicalisé, était parti combattre auprès de talibans en Afghanistan au début des années 2010, et avait multiplié les incidents en prison. Selon le rapport, le détenu, qui était atteint de troubles psychiatriques, n’aurait jamais dû être placé en détention classique et encore moins travailler, seul, au contact d’autres détenus.

Des « zones d’ombre » persistent

« Alors que la dangerosité et l’instabilité de l’individu sont manifestes, l’administration pénitentiaire va (…) faire preuve (…) d’une attitude diamétralement opposée à celle dont elle a fait montre à l’endroit d’Yvan Colonna », affirment en effet les auteurs du rapport qu’a pu consulter Le Monde.

Le rapport parle sur ce point d’une série d’erreurs « manifestes » d’appréciation amenant à cette « prise de risque inconsidérée ». Il souligne les défaillances locales en matière de sécurité et de surveillance, en partie dues aux manques de moyens, qui ont permis à Franck Elong Abé de s’en prendre violemment à Yvan Colonna pendant huit minutes sans être dérangé.

La commission parlementaire, ajoute Le Monde, dénonce aussi « la défaillance grave de la cheffe d’établissement » et « le sentiment de laisser-aller manifeste dans la gestion de l’individu » dont la dangerosité a été mal évaluée, et qui a pu occuper un poste près des détenus le 17 septembre 2021 malgré un incident survenu la veille.

Toutefois, la commission reconnaît que « certaines zones d’ombre » persistent empêchant de conclure que les carences observées sont bien responsables de la mort d’Yvan Colonna. Elle révèle par ailleurs que « deux préfets en activité » se seraient réjouis, sur « une boucle WhatsApp » privée, de l’agression mortelle d’Yvan Colonna.

Des échanges problématiques de deux préfets

Dans ces échanges, dont les noms des auteurs ont été remplacés par les lettres X et Y, pour garantir « le respect absolu des sources », précise Jean-Félix Acquaviva, l’un des auteurs indique que « Fernandel tue Erignac une deuxième fois », en référence à la décision de Jean Castex de lever le statut DPS d’Yvan Colonna.

Son interlocuteur lui répond que « M. devrait démissionner », semblant faire référence à Emmanuel Macron dont il qualifie le mandat de présidence « de la honte et du déshonneur ».

X renchérit en assurant que « l’autre détenu », c’est-à-dire Franck Elong Abe, « n’a fait que ce que l’Etat aurait dû faire à l’époque », appelant également à « un référendum national sur l’indépendance de la Corse », comme cela a été « fait pour l’Algérie ».

Y appelle lui à la démission de Jean Castex, estimant qu’il a « trahi l’Etat », ou à défaut à la démission d’Emmanuel Macron. « C’était pas la peine de nous obliger à faire des salles Erignac partout si c’est pour pisser sur sa mémoire aujourd’hui », réagit X.

DPS, coordination, détenus TIS...

Parmi les recommandations, la commission suggère d’améliorer la coordination entre les différents services de renseignements, et de rendre obligatoire l’évaluation ou la réévaluation d’un détenu TIS avant son intégration en détention classique. Elle demande aussi que la prise en charge des troubles psychiatriques soit « le prochain chantier d’ampleur de l’administration pénitentiaire ».

Elle propose par ailleurs de permettre le « rapprochement familial » des détenus corses en parachevant les travaux de sécurisation nécessaires du centre pénitentiaire de Borgo (Haute-Corse) pour qu’il puisse accueillir les DPS, fixer dans la loi que le statut DPS n’est a priori pas définitif et doit être réexaminé régulièrement selon des critères objectifs.

Pour éviter un drame similaire à celui de la prison d’Arles, la commission recommande de définir des critères objectifs, notamment en matière de comportement, pour permettre à un détenu de travailler en détention et de proscrire pour les détenus présentant un risque de passage à l’acte violent le travail « au service général », ou à défaut ajouter des garanties de surveillance, en les dotant par exemple d’une caméra piéton.

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