"ELLE A PERDU TOUTE VISIBILITé": UNE HISTORIENNE ATTAQUE FACEBOOK POUR AVOIR DéSACTIVé SON COMPTE

Lina Murr Nehme n’a pas pu utiliser son compte Facebook pendant plus de trois ans après la publication d’un article pour dénoncer Daesh. Elle juge la désactivation de son compte abusive.

Publiant des contenus sur Facebook presque tous les jours, Lina Murr Nehme a perdu son compte et ses données du jour au lendemain, comme l'a rapporté Le Parisien. Cette historienne âgée de 69 ans n’a pas pu se connecter sur le réseau social pendant trois ans et demi après que l’entreprise a désactivé son compte. Dénonçant une censure abusive, elle a attaqué la société américaine en justice.

"Elle avait un compte et une page Facebook depuis 2013. Elle publiait beaucoup d’articles, uniquement sur Facebook et surtout pour dénoncer Daesh", indique son avocate, Me Camille Alligand, à Tech&Co.

Une de ses publications lui avait déjà valu un avertissement de la part de Facebook. Elle l’avait retirée par peur de censure. Alors que l’entreprise prône la liberté d’expression, elle est allée plus loin en décembre 2019, désactivant son compte après une autre publication visant à dénoncer Daesh.

Un long combat

Ce mercredi 27 mars avait lieu une audience au tribunal judiciaire de Paris sur cette affaire. Un procès qui a été difficile à décrocher. Après la désactivation de son compte, Lina Murr Nehme a d’abord tenté de régler le problème avec Facebook. L’historienne a notamment envoyé une demande pour récupérer ses données, en vertu du règlement général sur la protection des données (RGPD).

L’article 20 de cette loi européenne stipule en effet que les Européens ont un "droit à la portabilité des données". Elles ont ainsi la possibilité de demander à récupérer les informations qu’elles ont fournies à une plateforme. La demande de Lina Murr Nehme a cependant été refusée.

Un an plus tard, en 2020, Me Camille Alligand, au nom de sa cliente, a mis en demeure Facebook pour que son compte soit rouvert, mais cela n’a pas abouti. "Elle a perdu toute visibilité", déplore l’avocate, qui a assigné l’entreprise en justice en 2021.

Clause abusive

Dans un premier temps, la société a soulevé l’incompétence des juridictions françaises, mais le tribunal n’a pas tranché en sa faveur. Facebook a donc fait appel de la décision, mais la cour d’appel de Paris a aussi estimé que la justice française était compétente. "C’est à ce moment-là que Facebook a rouvert le compte de ma cliente", souligne Me Camille Alligand. Quatre ans plus tard, la société américaine s’est ainsi retrouvée au tribunal. L’historienne lui reproche notamment de ne pas avoir justifié la désactivation de son compte.

Aujourd’hui, comme à l’époque, "il n’y a pas de préavis dans la clause de résiliation. Il n’y a également pas de motifs et il est impossible de régulariser sa situation", regrette l’avocate de Lina Murr Nehme.

Le tribunal de Grande Instance de Paris avait déjà jugé cette clause abusive en 2019, à la suite d’une plainte de l’association de consommateurs UFC-Que choisir. Il avait rappelé à Facebook qu'il ne peut pas "suspendre ou supprimer un compte sans justification ni recours".

Une désactivation toujours injustifiée

Si cette clause a été modifiée, elle reste similaire à la précédente, précise Me Camille Alligand. Dans son Centre d'aide, Facebook prévient en effet qu’il est possible que "nous ne vous avertissions pas avant de désactiver votre compte" pour les infractions à ses règles communautaires ou à ses conditions de service.

Alors que le tribunal rendra sa décision le 5 juin, l’historienne et son avocate attendent "une reconnaissance officielle d’une faute et le constat d’une censure de la part de Facebook".

Elles souhaitent aussi que la clause de résiliation soit déclarée illicite et que l’entreprise explique pourquoi le compte a été désactivé. Interrogé par le tribunal pour savoir si Facebook reconnaît une suspension injustifiée, son avocat a en effet refusé de répondre.

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