SéCURITé ROUTIèRE : POURQUOI LE GOUVERNEMENT VA CRéER UN NOUVEAU DéLIT D’HOMICIDE ROUTIER ?

Élisabeth Borne va annoncer la création d’un « homicide routier » pour remplacer le délit d’« homicide involontaire », ce lundi 17 juillet. Les associations et avocats de victimes auraient aimé que le gouvernement aille plus loin dans la démarche.

C’est un changement de dénomination « symbolique ». La Première ministre Elisabeth Borne va annoncer ce lundi 17 juillet, la création d’un « homicide routier » à la place d’« homicide involontaire » par conducteur – terme qui choquait les associations et proches de victimes. Néanmoins, cette nouvelle qualification n’impliquera aucune aggravation des peines encourues. 

La cheffe du gouvernement présidera lundi après-midi à Matignon le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR), qui n'avait pas été réuni depuis cinq ans. Elle y annoncera plusieurs mesures, dont la création de la qualification d’« homicide routier », une dénomination revendiquée par les associations de défense des victimes de la route. « On avait un homicide involontaire par conducteur. [...] Demain, au lieu de parler d'homicide involontaire, on parlera d'homicide routier : on ne change rien d’autre, on change la dénomination des faits », a indiqué Matignon dimanche soir en dévoilant cette mesure. 

Les familles de victimes étaient « choquées de cette qualification d'homicide involontaire », a fait valoir l'entourage de la Première ministre. Le changement d'appellation vaudra aussi pour les blessures, qualifiées également demain de « routières » et non plus d’« involontaires ». 

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« Une occasion ratée » 

La mesure, pour laquelle aucune date de mise en application n'a été avancée dimanche, « ne change rien sur le plan de la répression. En revanche, symboliquement, on vient marquer qu'on entend le caractère inacceptable [du mot] involontaire », fait valoir l'entourage de la Première ministre. « C'est une reconnaissance des victimes », insiste Matignon, qui entend « mieux [les] accompagner ». 

Pour autant, certaines associations et avocats de victimes interrogés par l'AFP n'ont pas caché une certaine déception. « On pensait quand même qu'ils iraient plus loin que le changement sémantique. C'est mieux que rien, mais quel est le message ? On voulait surtout des sanctions plus sévères et des mesures d'accompagnement », a regretté auprès de l'AFP Jean-Yves Lamant, président de la Ligue contre la violence routière. « Ce n'est pas un recul mais c'est une occasion ratée. Ça n'aura aucun effet dans la réalité des choses », a-t-il estimé. 

« Une mesure cosmétique » 

Portée depuis une dizaine d'années par deux familles, la revendication d'un « homicide routier » a été reprise par l'association créée par le chef étoilé Yannick Alléno après la mort en mai 2022 de son fils Antoine, percuté par un chauffard. Le cuisinier demande depuis plusieurs mois que l'homicide routier soit une infraction autonome. Son association a fait savoir dimanche à l'AFP qu'elle communiquerait lundi sur le dispositif proposé par le gouvernement. 

Pour l’avocat Vincent Julé-Parade, avocat spécialisé dans la défense des victimes de violences routières, la proposition du gouvernement est « une mesure qui ne coûte rien », « cosmétique », « qui n'est pas courageuse ». « C'est une mesure populaire, qui n'entraîne aucune conséquence technique. On change un mot. Mais est-ce une mesure de sécurité routière ? Non », tranche-t-il en disant douter que « cela influe sur la politique pénale des tribunaux ».  

Un autre avocat joint par l'AFP, qui n'a pas souhaité être identifié, estime que « la répression, sur le papier, était suffisante ». « Ce changement est pour marquer la différence. Les peines sont assez sévères, notamment quand il y a deux infractions réunies, comme l'usage de stupéfiants ou la consommation d'alcool », relève-t-il.  

Jusqu’à dix ans et 150 000 euros d’amende encourus 

En devenant « homicide routier » par une modification du code pénal, l’« homicide involontaire » commis par un conducteur restera puni jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. Les peines encourues demeureront portées à sept ans de prison et 100 000 euros d'amende avec une circonstance aggravante (conduite sous alcool ou stupéfiants, défaut de permis de conduire, délit de fuite, vitesse très excessive...), dix ans et 150 000 euros si plusieurs de ces circonstances sont réunies. 

Avant de présider le CISR, Élisabeth Borne visitera un centre de soins de suite et de réadaptation pour victimes d'accidents de la route en Seine-et-Marne, en compagnie de ses ministres Gérald Darmanin (Intérieur) et François Braun (Santé). Selon les chiffres de la Sécurité routière, en 2022, quelque 3 260 personnes sont mortes sur les routes de France métropolitaine, un bilan à un niveau stable par rapport à 2019, dernière année de référence avant la pandémie. 

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