AFFAIRE JOëL LE SCOUARNEC : LE CHIRURGIEN INQUIéTAIT DéJà LE MINISTèRE DE LA SANTé EN 2006

Entre 1986 et 2014, l’ancien chirurgien aurait agressé 312 jeunes patients. Il a été condamné en 2020 à quinze ans de prison pour viols et agressions sexuelles de quatre victimes mineures. D’après les informations révélées jeudi 9 février par « France Info », le cas de Joël Le Scouarnec avait fait l’objet de signalements, qui sont remontés dès 2006 jusqu’au ministère de la Santé. Mais aucune sanction ne sera prononcée contre le médecin hospitalier.

Le ministère de la santé, dirigé à l’époque par Xavier Bertrand, aurait-il pu mettre fin aux agissements de Joël Le Scouarnec dès 2006 ? En 2020, le « chirurgien de Jonzac » a été condamné à 15 ans de réclusion criminelle pour quatre agressions sexuelles et viols sur mineurs, avant d’être mis en examen pour des faits similaires à l’encontre cette fois de 312 victimes (dont 19 considérées comme prescrites par la chambre de l’instruction en décembre dernier), majoritairement des enfants qu’il avait opérés pendant ses 30 ans de carrière au sein des hôpitaux de l’ouest de la France.

Selon nos confrères de France Info , le ministère de la Santé, plus précisément la direction de l’hospitalisation et des soins (DHOS), avait discuté du cas de Joël Le Scouarnec, en apprenant sa condamnation en 2005 à quatre mois de prison avec sursis pour détention d’images pédopornographiques. Une information qui était remontée jusqu’aux plus hautes instances grâce au signalement d’un psychiatre de l’hôpital Quimperlé, qui avait alerté sa direction, le tribunal judiciaire de Vannes qui l’a condamné n’ayant prévenu personne, ni les hôpitaux où Joël Le Scouarnec exerce, ni l’Ordre des médecins, alors même que le chirurgien travaillait au contact d’enfants au quotidien.

Une information prise au sérieux

Dans les mails échangés au sein du ministère de la Santé après ce signalement, et consultés par France Info, l’information a été prise au sérieux. Pour plusieurs hauts fonctionnaires, cette condamnation était « préoccupante » et elle n’était « pas compatible avec les conditions de moralités nécessaires » pour être praticien hospitalier.

La DHOS qui a traité cette information avait bien le pouvoir de prononcer des sanctions disciplinaires contre les médecins hospitaliers, mais cette possibilité s’est heurtée à une difficulté : Joël Le Scouarnec venait d’être titularisé comme praticien hospitalier, son dossier avait été validé sans encombre le 1er août 2006, notamment parce que la justice n’avait pas mis à jour son casier judiciaire, alors que la condamnation avait été prononcée en 2005.

Une mystérieuse note blanche lui a évité la radiation

Une fois que le ministère de la Santé a eu la confirmation de cette condamnation, la question de la radiation est mise sur la table par la DHOS. Seulement, une lettre consultée par France Info a donné une tout autre position du ministère. Son auteur (la note n’est ni datée ni signée) reconnaissait que « la connaissance par l’administration » de la condamnation du chirurgien « aurait certainement justifié qu’elle ne procède pas à sa nomination » mais qu’après coup il est paru « difficile d’envisager d’annuler la nomination de ce praticien ». Ce serait « une option lourde à mettre en œuvre et dont le résultat n’est pas certain ». La note rappelait aussi « les bonnes appréciations portées sur [son] travail ».

Si elle a donc exclu toute sanction ou radiation de Joël Le Scouarnec, la lettre se concluait ainsi : « Le ministre [Xavier Bertrand] se devant de réagir, l’option de la plainte devant l’Ordre des médecins paraît la plus adéquate ».

Aucune suite n’a été donnée par le ministère

Malheureusement, aucune plainte ne sera jamais déposée. Interrogés par France Info, aucun des responsables de l’époque n’est en mesure de l’expliquer. Et l’Ordre des médecins confirme n’avoir jamais reçu cette plainte. Le ministre de la Santé de l’époque Xavier Bertrand affirme, par le biais de son entourage, n’avoir jamais été au courant de cette note blanche ni d’aucun signalement concernant le Joël Le Scouarnec. France Info a également contacté l’équipe de l’actuel ministère de la Santé qui n’a pas donné suite.

Le chirurgien a donc pu poursuivre sa carrière dans plusieurs hôpitaux de l’Ouest. En 2015, il sera même autorisé à prolonger son activité professionnelle au-delà de l’âge légal de départ à la retraite. Dernier fait étonnant soulevé par le service public audiovisuel : le directeur rattaché au ministère de la Santé qui a signé cette autorisation est le même qui avait à l’époque géré le dossier Le Scouarnec au sein de la DHOS. « Il connaissait donc parfaitement la situation et la condamnation pénale du chirurgien », conclut France Info.

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