« ABANDON », « DéNI » ET « LâCHETéS » : APRèS LA MORT DE SAMUEL PATY, SA SœUR APPELLE L’ÉTAT à UN « SURSAUT »

Trois ans et demi après la tragédie, un « déni » encore tenace face à la gravité des faits. Mickaëlle Paty, la sœur cadette du professeur d’histoire-géographie tué le 16 octobre 2020, a déploré jeudi encore « peu de progrès » et de « prise de conscience » de la tragédie vécue par son frère, assassiné à la sortie de son collège de Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines. Invitée sur BFMTV et RMC, elle a appelé à un « sursaut de l’État », exhortant le gouvernement à « prendre la mesure de ce qui est arrivé » et agir « pour que cela ne puisse plus arriver », deux semaines après lui avoir demandé par courrier de reconnaître sa responsabilité dans le drame.

La sœur de l’enseignant a d’abord salué « une amélioration visible » depuis le décès de son frère. Le professeur d’histoire-géographie de 47 ans avait été décapité par un jeune terroriste qui lui reprochait d’avoir montré en classe des caricatures de Mahomet. « Depuis l’attentat, beaucoup de professeurs, principaux et proviseurs ont vu leur vie mise en danger », mais ils ont pu profiter d’une « réaction assez rapide » des autorités pour les « mettre en sécurité », a-t-elle estimé. Pour autant, elle accuse toujours l’État d’un « comportement attentiste » et d’une « forme de déni » après l’attaque contre son frère.

« Temps de latence »

L’avocate de Mickaëlle Paty avait fait parvenir le 15 mars à l’exécutif un courrier demandant « la reconnaissance officielle de la responsabilité de l’État dans la survenance de l’attentat ». « Ce que j’attends, c‘est qu’il y ait vraiment une étude de ce qui a pu se passer à l’époque », a expliqué la sœur de l’enseignant sur BFMTV. Le gouvernement dispose de deux mois pour lui faire un retour, sans quoi elle se dit prête à déposer plainte. Elle a précisé que Matignon lui avait indiqué qu’il lui ferait parvenir une réponse à son courrier. « On attend un comportement proactif, une réaction », a-t-elle appuyé, appelant l’exécutif à « étudier toutes les failles qui ont pu mener à cet attentat ».

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La sœur du professeur reproche en particulier aux services de l’État de n’avoir pas protégé Samuel Paty et « ignoré » ses alertes pendant les jours qui ont précédé l’attentat. Un long calvaire pour l’enseignant terrifié, dont le nom et le lieu de travail avaient été rendus publics, donnant lieu à des « appels à agir avec violence » envers lui sur les réseaux sociaux. « Les renseignements territoriaux ont été capables d’identifier tous ces éléments, il n’y a pas eu de faille au niveau de la collecte d’informations. Mais le problème, c’est qu’est-ce que l’on fait de ces éléments », a insisté Mickaëlle Paty.

« C’est comme s’il y avait un temps de latence, où on attend de voir s’il va y avoir un passage à l’acte », alors qu’il était « totalement évident qu’il devait être mis en retrait (…) et bénéficier d’une protection », a-t-elle déploré. Elle a même estimé que son frère était mort « d’un abandon », fustigeant « une somme de lâchetés ». Un « déni » selon elle « beaucoup plus antérieur » à l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine : « ils ont pensé que l’école était un sanctuaire et que de ce fait, elle ne pouvait pas être menacée », a regretté Mickaëlle Paty.

« Vous n’avez toujours pas compris »

Le constat d’autant plus alarmant qu’un nouvel attentat a endeuillé la communauté enseignante depuis : le professeur de français Dominique Bernard a été tué lors d’une nouvelle attaque cette fois à Arras, en octobre 2023. Mickaëlle Paty est aussi revenue sur l’incident récent survenu au lycée Maurice-Ravel à Paris, dont le principal a quitté ses fonctions après avoir fait l’objet de menaces de mort. Il avait été accusé par une élève de l’avoir violentée après un refus de retirer son voile. Elle a notamment déploré que la vidéo du témoignage en vidéo de la jeune fille qui accuse le proviseur, diffusé sur les réseaux sociaux, soit sans cesse « déversé » par des comptes « activistes » malgré des signalements.

Le proviseur a justifié sa décision « pour des raisons de sécurité », tandis que le rectorat a évoqué des « convenances personnelles » et un « départ anticipé » en retraite « au vu des événements qui ont marqué ces dernières semaines ». Une manière de « mal nommer les choses » pour « minimiser la situation », a estimé la sœur de Samuel Paty, appelant le ministère de l’Éducation à « dire clairement » les faits. « Personne n’est dupe. (…) On se dit : Vous n’avez toujours pas compris », a-t-elle regretté.

Elle a en revanche salué la plainte pour « plainte calomnieuse » que va déposer le gouvernement contre l’élève, annoncée par Gabriel Attal, estimant qu’il est « important que l’État soit là en renfort pour soutenir des dépôts de plainte ».

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